12 propositions

Puisqu'on est dans une époque où les talents des développeurs français ont le vent en poupe, j'ai pensé moi aussi à quelques petits trucs simples mais qui pourraient améliorer les choses.
Je vous les livre en vrac. Le numéro n'est là que pour les repérer. Il ne s'agit pas d'un ordre de priorité.
Et en plus aujourd'hui, c'est trolldi vendredi.

(1) Instaurer un revenu de base pour l'ensemble de la population française

Je ne vais pas détailler ce dont il s'agit. Le Mouvement Français pour un Revenu de Base en parle bien mieux que moi.
Dans le monde du numérique, un tel revenu permettrait de se passer des mécanismes d'aide aux entreprises que la complexité rend opaques. Pourquoi dépenser des sommes folles à tenter de sécuriser des entreprises et des emplois quand on pourrait se concentrer sur les personnes ?
Il faut bien comprendre que le coût de démarrage dans le logiciel est quasi nul. Avec un revenu de base, tout créateur ayant une idée pourrait la développer, seul ou en collaboration, en étant moins dépendant des contraintes "alimentaires".

(2) Simplifier le financement participatif en capital

Le "crowdfunding" commence à se développer mais, aujourd'hui, il en est surtout question à grande échelle pour du don ou du prêt. Pour de la participation au capital d'une entreprise, il y a des systèmes comme WiSeed ou SmartAngels mais ils restent réservés à des investissements conséquents et un public très limité là où il faudrait un système à plus large échelle et avec plus de lien humain.

(3) Inciter à la collaboration long terme inter-entreprises

Aujourd'hui le marché de l'informatique se résume bien souvent à des gros clients, que l'on nomme affectueusement "grands comptes", qui utilisent des entreprises de prestation de services : les SSII. En général, la relation se limite à une vision court-termiste de recherche du coût le plus bas. Ce principe de sous-traitance (et la pression qui l'accompagne) peuvent être répercutés sur 3 ou 4 niveaux. Exemple : un grand compte emploie une de ses rares SSII référencées, qui elle même emploie une autre SSII, qui elle même emploie un travailleur indépendant...
Pour construire un meilleur environnement, il faudrait, à la manière de la "Toyota Way" ("Respect your extended network of partners and suppliers by challenging them and helping them improve"), privilégier tout ce qui va dans le sens d'une collaboration sur le long terme.

(4) Faire respecter la loi sur le prêt illicite de main d’œuvre et le marchandage

Ce sont des pratiques courantes dans le monde de l'informatique.
Inutile d'en dire plus. Voir le site du MUNCI ou l'enquête de Nicolas Séné.

(5) Réformer le code de la propriété intellectuelle pour renforcer les droits moraux de l'auteur de logiciels

Une loi de 1985 a introduit une distorsion entre les auteurs de logiciels et les autres.
Alors que la plupart des oeuvres collectives (films, musique...) rendent publique la liste des créateurs qui ont contribué à l'oeuvre, dans le monde du logiciel, le créateur humain semble, la plupart du temps, ne pas exister. Les seules exceptions notables se trouvent dans le monde du jeu video et dans celui des logiciels open source.
Si on veut que le métier de développeur gagne en visibilité et en respectabilité, il faut mettre en avant l'ensemble des personnes qui ont contribué à la création d'un logiciel.
Aujourd'hui, un développeur définit typiquement sa propre valeur en termes de connaissances technologiques et encore trop peu en termes d'oeuvres réalisées et signées.

(6) Introduire le mécénat global

Le mécénat global est une solution alternative au financement collectif de la création.
La création de logiciels étant une activité de création parmi d'autres, elle profiterait de ce changement alors que le mécanisme actuel de taxe sur la copie privée est limité, de par son mode de gestion, à une frange très étroite des activités de création d'oeuvres de l'esprit.

(7) Enclencher la décroissance normative

Il est temps de rendre compte que l'inflation de tous les textes réglementaires a un impact difficile à mesurer dans l'activité informatique de nombreux secteurs (banque, assurance, santé...) A l'échelle du pays, une partie difficilement mesurable mais probablement importante de l'effort informatique est bouffé par cette inflation.
On est en plein dans le sophisme de la vitre cassée. Une diminution des règles induirait un gain de productivité immédiat.

(8) Ouvrir effectivement les données de l'état et de toutes ses émanations

L'"open data" est un terme à la mode mais sa mise en oeuvre reste soumise à la discrétion des entités concernées.
Il serait pourtant simple de donner le droit aux citoyens d'aller chercher eux-mêmes les données là où elles sont. Dans les administration, les journée portes ouvertes devraient être une sorte d'état permanent.
Par ailleurs, il faut en finir avec l'idée de valorisation des données publiques par les institutions. Puisque ces données sont publiques, il suffit de contraindre les institutions en question à les libérer.

(9) Impulser la multiplication des initiatives visant à faire coder les enfants

Ces derniers temps, des initiatives se sont développées (Programatoo, Coding Goûter, Devoxx4Kids...) mais elles restent des cas relativement isolés.
Il manque un relais -comme il en existe pour les sciences avec la main à la pâte- pour toucher un public plus large et se rapprocher de l'éducation nationale.
Par ailleurs, la particularité des initiatives existantes est de ne pas venir du secteur public -recherche ou éducation- mais de professionnels de l'informatique. Il manquerait là aussi un cadre pour permettre à de tels professionnels d'intervenir à plus grande échelle auprès des enfants.

(10) Développer l'apprentissage dès le lycée

Contrairement à certains de nos voisins européens (Allemagne, Suisse, Europe du Nord...), la formation par apprentissage n'est que peu répandue en France. Et même si un effort de promotion a été réalisé ces dernières années, il reste focalisé sur des métiers à forte composante manuelle.
En fait, on a un problème avec la dichotomie formation "professionnelle"/métiers manuels/études courtes d'un côté et formation "générale"/métiers intellectuels/études longues de l'autre côté.
Il faut casser cette séparation en faisant valoir qu'un métier comme le développement logiciel nécessite simultanément des études poussées, avec notamment une formation avancée en mathématiques, et un apprentissage commençant très tôt au contact de professionnels pour en maîtriser le tour de main artisanal.
La spécialité ISN qui vient d'être créée en filière S est un pas dans la bonne direction auquel il manquerait un côté professionnalisant plus marqué.

(11) Favoriser le brassage des talents

La France ne manque pas de développeurs mais elle manque de créateurs de logiciels qui oeuvrent à faire progresser leurs talents.
Quelques entreprises américaines ont développé la pratique du craftsman swap : l'échange ponctuel de développeurs pour permettre à ceux-ci de progresser dans leur pratique.
Il faut créer un cadre légal pour un échange ponctuel de salariés et donner un droit aux personnes pour que le brassage se produise effectivement (à la manière du DIF qui donne un droit à la formation)

(12) Généraliser les méthodes agiles

Réformer le code des marchés publics pour rendre réalistes les projets logiciels dans l'administration.
Réformer les programmes de l'enseignement supérieur en gestion de projet logiciel pour supprimer toute référence au cycle en V et à ses avatars.
Et soutenir toutes les associations dont le but est cette généralisation des méthodes agiles.

Emilie

Bonjour,

Toutes ces propositions ne me parlent pas toujours, je répondrai donc seulement à celles qui m'ont interpelées

(9) Impulser la multiplication des initiatives visant à faire coder les enfants
==> Oui, très bonne initiative, je suis d'accord. Attention toutefois à ne pas tomber dans le travers inverse : à vouloir ouvrir l'esprit des enfants à plein de thématiques, on surcharge les profs des écoles et les heures d'étude en primaire, et les enfants voient donc un tout petit bout de plein de thèmes.
L'objectif premier de l'école primaire doit rester l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Le deuxième est, je suis d'accord, de le faire "découvrir le monde", avec des thématiques variées comme la géographie, l'instruction civique, les travaux manuels, l'art, l'informatique...

(10) Développer l'apprentissage dès le lycée
==> L'idée fait envie, mais est-elle vraiment envisageable ?
Dans ma société (développement logiciel, 25 employés, région parisienne), je sais qu'on ne prendrait jamais d'apprenti aussi jeune. Former quelqu'un prend beaucoup de temps. Former un stagiaire de fin d'études pendant 6 ou 12 mois et l'embaucher ensuite en CDI est quelque chose qu'on fait très très souvent (c'est même notre voie de recrutement principale). Mais former un jeune pendant 2, 3 ou 5 ans avant qu'il puisse être "productif" (à prendre avec beaucoup de guillemets) a un coût beaucoup plus important : salaire de l'apprenti, frais de scolarité, mais surtout tout le temps que va passer le formateur à enseigner à l'apprenti.
Sans compter le fait que si j'avais un lycéen ou un étudiant en première ou deuxième année après le bac, j'aurais du mal à lui trouver suffisamment de tâches pour l'occuper, au vu de ses connaissances.

(11) Favoriser le brassage des talents
==> Je ne connaissais pas ce système "d'échange", l'idée me semble en effet très intéressante, pour les employés comme pour les entreprises. Il faudrait toutefois faire attention aux éventuelles dérives que cela pourrait engendrer, les gens n'étant pas des marchandises qu'on peut s'échanger a priori.

Emilie 16 avril 2014 - 13:57
Oaz

@Emilie

(9) Je ne suis pas qualifié pour juger le trop plein de l'emploi du temps des enfants mais j'aurais tendance à mettre le code dans la 1ère catégorie (avec lecture/écriture/calcul). Je me méfie du terme "informatique" (ou de son avatar récent "numérique"). Pour reprendre les propos de François Elie, puisqu’on n’enseigne pas la physique dans une voiture, pourquoi devrait-on apprendre l’informatique sur un ordinateur ?

(10) Et pourtant d'autres s'engagent dans cette voie !
Sur la motivation des entreprises pour une telle approche, c'est sûrement un vrai problème. En Suisse, j'ai une fois questionné une personne sur ce sujet de la motivation des entreprises et la réponse était sans équivoque : agir pour le futur de leur pays...

Oaz 25 avril 2014 - 00:57

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