Après le lycée, les "algorithmes" débarquent au collège

La dernière réforme du lycée a fait une place de choix aux algorithmes. La réforme du collège, très présente dans l'actualité de ces derniers jours, prévoit de les introduire dès la classe de 5ème. Connaissant ce qui se fait au lycée, je redoutais un peu ce qui allait venir pour le collège.

Algorithmes au lycée

Le programme actuel de la classe de seconde est étudié depuis la rentrée 2009. C'est avec celui-ci que les algorithmes ont pris une place à part entière dans l'enseignement des mathématiques. Auparavant, ils apparaissaient en filigrane dans les divers thèmes où l'on utilise une calculatrice programmable.
Désormais, même si l'enseignement des algorithmes reste transversal aux divers contenus étudiés, "pratiquer une activité expérimentale ou algorithmique" fait partie des objectifs généraux et on attend des élèves de savoir décrire des algorithmes "en langage naturel ou dans un langage symbolique" et de les mettre en oeuvre sur une machine.

En regardant en détail le programme officiel de seconde, on remarque que les capacités attendues se limitent à de la programmation séquentielle et impérative. Bref, une suite d'instructions avec des variables et des boucles.

Algorithmique Seconde

Quand on cherche un peu sur le web des informations sur cet enseignement, on trouve très facilement des documents qui expliquent pourquoi et comment enseigner les algorithmes. On ne trouve d'ailleurs que de ça. Le document historique, ce sont les ressources pour la classe de seconde qui date de 2009 et présente un très grand nombre d'algorithmes que l'on peut étudier. Depuis, il a fait beaucoup de petits.

Et alors, ça donne quoi ?

Je n'ai, par contre, pas réussi à trouver la moindre étude, le moindre bilan permettant de savoir, au bout de cinq ou six ans, ce qui était réellement enseigné et quel a été l'apport concret pour les lycéens.
Le seul élément palpable, ce sont les sujets du bac. Ils sont le seul véritable baromètre de ce qui est effectivement appris au lycée puisque, aux yeux de la plupart élèves, ils sont la raison d'être des trois années d'étude. Et là, c'est la claque. A croire que tous les rédacteurs de sujet se sont donné le mot pour proposer le même algorithme, avec quelques variantes.

Grâce à un message sur un groupe de discussion dédié à l'enseignement des maths au lycée, j'ai même découvert une pépite : une présentation faite par un élève pour ses camarades sur ce qu'il faut retenir concernant les algorithmes.

Ce document expose huit exemples tirés de sujets de bac. Et pour tous, sans exception, il s'agit d'une boucle où une variable est incrémentée et une autre variable calcule le nième terme d'une suite définie par récurrence.
Alors, bien sûr, il y a des variantes il faut parfois simplement comprendre l'algorithme ; il faut parfois le compléter. On trouve même un cas où il faut le modifier. Les conditions de sortie de l'unique boucle peuvent également varier (test sur la valeur du terme courant de la suite ou nombre d'itération prédéfini). Il y a même un cas où un esprit aventureux a rajouté une troisième variable pour calculer la somme des termes consécutifs de la suite.

reglesaretenir.png

On a donc introduit une grande nouveauté dans le programme de maths, au détriment de contenus qui ont dû en sortir, tout ça pour que des élèves de 15 à 18 ans apprennent vaguement à programmer un calcul itératif des termes d'une suite.
Bel investissement...

But wait... There's more!

Forts de leur indéniable succès au lycée, les champions de l'algorithme dans l'enseignement secondaire ont décidé que le collège ne devait pas être en reste. Le futur programme de maths en cycle 4 (classes de 5ème, 4ème et 3ème) aura cinq thèmes :

  • Organisation et gestion de données, fonctions
  • Nombres et calculs
  • Géomètrie
  • Grandeurs et mesures
  • Algorithmique et programmation

Et alors là, on peut dire qu'ils se sont lâchés. Finies les ridicules petites instructions avec leurs boucles. En plus de la programmation séquentielle, on rajoute de l'événementielle (clic souris, clavier...), de l'orienté objet (envoi de messages, clonage...) du mélange entre les deux (événements émis par un objet) et même du parallélisme.

Au niveau des types d'algorithmes, les calculs sur les suites récurrentes peuvent aller se rhabiller. Les collégiens vont coder des jeux, des correcteurs orthographiques et des carnets d'adresse. Ils vont même faire du chiffrement.

Je n'invente rien. Tout est dans le programme. La bonne nouvelle, c'est que les SSII vont désormais s'arracher les stagiaires des classes de troisième.

Algorithmique Cycle 4

Tout cela est très alléchant mais je vois mal comment le coupler avec le passage difficile de la fin de collège où, en mathématiques, il s'agit avant tout d'entrer dans le monde de la démonstration. Celui où on découvre que les maths servent à raisonner et à prouver des affirmations. Celui où on n'a pas trop de temps à gaspiller sur des sujets moins essentiels.
Attendons de voir les sujets du brevet avec des exercices sur les algorithmes. Car les cours de maths feront comme au lycée : ils s'aligneront sur ce qui est effectivement évalué.
A mon avis, on sera assez loin d'un chiffrage RSA en parallèle.

Il y a toutefois un autre problème avec ce thème "Algorithmique et programmation". Ceux qui connaissent le logiciel Scratch auront reconnu la quasi totalité des fonctionnalités de celui-ci, que ce soit sur les événements ou les objets. Et si le principal attendu en programmation pour la fin de cycle est de faire des "application ludiques", domaine privilégié de Scratch, on peut facilement imaginer le contenu du cours de maths pour cette partie là.

Je n'ai rien contre Scratch. Il m'arrive même de le faire découvrir aux enfants.
Ce qui me gêne, c'est que sous couvert d'un programme de maths de collège improbable qui, sur le papier, pourrait rivaliser avec celui d'un DUT informatique, on va, dans les faits, probablement faire du coding-goûter niveau école primaire.
La ministre de l’éducation nationale dit que le collège est "monolithique dans son approche disciplinaire, suscitant parfois l’ennui". Très bien. On va donc proposer des choses plus ludiques aux enfants, en enlevant du temps pour découvrir des mathématiques devenues ennuyeuses.

Je ne suis pas sûr que tous les collèges mettront en place ce programme de la même manière.
Mais puisqu’on nous dit que cette réforme va combattre les inégalités...

Veronique

Bonjour,
Je trouve votre article intéressant. Je suis professeur au collège, j'ai fait de la programmation après le bac, ça me plaisait et je n'étais pas mauvaise. Mais voilà, enseigner ce que demande le programme et bien je ne suis pas capable. Nous avons déjà un gros programme en mathématiques et en plus ils nous rajoutent ça ! Nous nous contentons de faire des itérations et des boucles simples car c'est le plus facile à comprendre et à enseigner !
Nos dirigeants pensent que les professeurs sont capables d'enseigner dans tous les domaines !! Ce qui est totalement faux.
Je ne me vois pas enseigner ce qu'ils demandent car je n'ai aucune compétence en la matière. Et pourtant il va falloir que je le fasse ! Sûrement au détriment d'un enseignement mathématique moins exotique !

Veronique 3 juillet 2015 - 08:42

Fil des commentaires de ce billet

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.