Agile Tour Toulouse 2013 : l'apogée ?

Sourire Agile Une dizaine de jours après la 6ème édition de l'Agile Tour Toulouse, il est temps pour moi de dresser un petit bilan personnel sur cet événement.

Des raisons de se réjouir

Pour la première fois depuis longtemps, j'ai vu passer la journée sans me désespérer devant l'absence d'intérêt d'une session, ou, pire, face à des intervenants qui n'avaient rien compris à l'agilité et à qui on a pu offrir une tribune pour raconter leurs méfaits. Non, cette fois on a pris le temps qu'il fallait pour sélectionner le programme et on s'est donné les moyens de faire mûrir les sessions qui en avaient besoin.
J'ai bien aimé la place accordée aux sessions sur le développement logiciel, tout particulièrement, celle d'Antoine sur le Software Craftsmanship qui a pu ainsi, je l'espère, montrer le vrai visage du développement logiciel professionnel à un public le plus large possible et celle de Jean-Baptiste sur le mythe du framework agile qui est, à mon avis, LA session technique francophone de l'année toutes conférences confondues[1].
Même si je n'ai pu assister à leur sessions, J'ai apprécié la présence d'orateurs venus de loin et qui participaient pour la première fois à l'Agile Tour Toulouse. Il n'y a pas que les sessions, il y a aussi les rencontres.
En parlant de rencontres, je veux ici remercier les aperoweb toulousains sans qui on n'aurait pas eu Pierre avec "Votre diplôme c'est vous !", ni Grégory et sa passionnante histoire de la reliure d'art à l'agilité[2]
Et je suis enfin particulièrement content de la keynote de Pablo sur "la horde agile" car, en juin dernier, lorsque j'ai joué le perfection game sur sa proposition, je n'ai pas été capable de suggérer autre chose que des corrections orthographiques, ce qui m'a obligé à lui mettre 9/10.

Au delà du fond, il semblerait que la forme ait été plutôt appréciée par les participants.
Si l'on excepte la place accordée au repas, le rythme de la journée n'était, je crois, pas loin de la perfection. La réduction de la durée des talks à 45 minutes pour dégager de longues pauses y est sûrement pour quelque chose.
Le repas servi à table avec son menu unique a ses adeptes et ses détracteurs, mais partant de là où on en était les années précédentes, cela constitue une amélioration notable.
Je retiendrai aussi le "sourire agile", une sorte de monnaie locale instaurée pour la journée, sur une idée de Thierry, et qui, à l'usage, est un formidable vecteur de rencontres et de communication.

Cette sixième édition apparaît, en ce qui me concerne, comme une apogée : à budget constant et en restant dans le même type d'événement (salle haut de gamme, large audience, faible coût de participation) on peut difficilement faire mieux.

Et après ?

Malgré la réussite de la journée, l'organisation de l'Agile Tour Toulouse me donne l'impression d'être dans une triple impasse.

La première impasse, c'est la fidélisation.
Le but originel de l'agile tour, c'est de s'adresser au plus grand nombre : des événements locaux pour découvrir l'agilité et ses évolutions. Cela est confirmé par les chiffres : 2/3 des participants à la journée du 10 octobre venaient pour la première fois et 3/4 des participants venaient avant tout pour s'informer. Et, même si les gens pensent revenir, ils ne reviennent pas, sinon on ferait facilement des journées à 700 personnes au lieu des 350 présents de cette année (pour 400 inscrits).
On est donc sur une manifestation où les gens viennent par curiosité, ne le regrettent pas ("Le programme a-t-il pu satisfaire vos attentes ?" : oui à 92% !) et ne reviennent pas parce qu'ils ont mieux à faire...

La deuxième impasse, c'est l'utilisation du budget.
Après l'université Paul Sabatier et l'IUT de Blagnac, l'Agile Tour Toulouse se déroule pour la 3ème année consécutive à Diagora. C'est malheureusement un des rares lieux de l'agglomération toulousaine permettant de viser un grand nombre d'entrées tout en proposant un certain confort.
Malheureusement car le coût de la location est tout simplement exorbitant comparé au budget d'un Agile Tour Toulouse. Et je ne parle même pas d'absence de libre choix du traiteur...

La troisième impasse, c'est la pénétration dans la population qui serait théoriquement intéressée par un tel événement.
A l'échelle toulousaine, le nombre de personnes ayant déjà participé à au moins un agile tour en 6 ans reste négligeable ne serait-ce que par rapport au nombre de personnes exerçant un métier en rapport avec l'informatique dans la région (et l'agilité va bien au delà...)
J'ai une théorie pour cela : l'agilité est, en apparence, quelque chose de trop facile[3]. Contrairement à des sujets technologiques où l'on va venir chercher des informations détaillées sur les derniers outils et les dernières techniques, l'agilité est, à mon avis, perçue, au mieux, comme des pratiques de gestion de projet par itération relativement faciles à appréhender.[4]
Bref, pas de quoi intéresser dans la durée ceux qui ne font pas l'effort de creuser.

A partir de là, ma conclusion est qu'il faut arrêter de vouloir s'attaquer frontalement à l'ensemble des personnes qui auraient un intérêt réel à s'impliquer de manière moins superficielle, qu'il faut arrêter de gaspiller de l'argent à louer des grandes salles pour des personnes qui ne reviendront pas et qu'il faut focaliser les efforts sur la minorité fidélisable.
Les discussions pour l'Agile Tour Toulouse 2014 ne vont pas tarder à débuter et je vais pour ma part défendre la vision suivante[5]:

  • Un événement pour les personnes de la région qui ont la volonté de s'investir durablement dans l'agilité, non seulement en tant que spectateur mais aussi en tant qu'acteur, non seulement pour la découvrir mais aussi pour la faire évoluer et pour la faire connaître dans la région toulousaine.
  • Un événement pour ceux qui aimeraient partager l'agilité avec tout ce que l'on peut voir ailleurs qu'à Toulouse mais qui n'en ont pas toujours la possibilité. Une partie conséquente du budget serait utilisée pour payer des frais de déplacement à des orateurs non toulousains.
  • Un événement qui ne cantonne pas l'agilité à la gestion de projet et qui s'ouvre à la pratique concrète de toutes les activités intervenant dans la création d'un produit (ce qui signifie notamment une place suffisante donnée au développement logiciel : "Bringing balance to the force")
  • Un événement de taille suffisante pour accueillir ces personnes là mais pas plus (à mon avis 250 personnes, c'est un maximum)
  • Un événement plus long qui donne le temps de tisser des liens donc sur 2 jours avec une soirée le premier jour.
  • Un événement qui privilégie la qualité des sessions de type "conférence" à la quantité : maximum 2 pistes * 4 sessions par jour * 2 jours = 16 conférences (ce qui n'est en réalité pas si éloigné des 18 conférences de cette année mais concentrées en 3 pistes sur 1 jour)
  • Un événement qui donne une place importante aux interactions (ateliers, jeux, coding dojo....)
  • Un événement co-construit avec les participants : ouverture des inscriptions au printemps 2014 et implication systématique de tous (groupe de discussion en ligne, réunions ouvertes) "les organisateurs sont les participants qui s'impliquent"
  • Un événement pour les sponsors qui veulent être partenaires d'une telle approche en y trouvant eux-mêmes leurs place (ce qui signifie pas de "package" et de choses "dûes" et s'il faut faire, au final, sans sponsors, pourquoi pas ?)

L'apogée, c'est quand on arrive à un point où on ne peut que redescendre. Pour remonter, il faut changer.

A suivre...

Notes

[1] y compris les conférences techno-centrées où l'on parle principalement du dernier langage ou du dernier framework javascript à la mode

[2] Pour la présence de Grégory, il faudrait aussi remercier Xavier mais là l'histoire serait trop longue à raconter

[3] d'ailleurs il suffit de 2 jours pour devenir maître de Scrum, non ?

[4] et au pire comme une secte d'hurluberlus qui jouent aux legos en collant des post-its

[5] et après je fermerai ma gueule ou j'irai voir ailleurs

Jean-Baptiste DUSSEAUT

Merci, c'est très mauvais pour mon égo ce genre de retour. Je trouve ton analyse pour l'année prochaine très intéressante. Personnellement, je trouve que le format "classique" des agile tours s'essouffle un peu (du moins pour moi), et j'aimerai beaucoup assister à un évènement comme celui que tu décris.

Xavier Nopre

Merci Olivier pour ce retour. Si je comprends bien, je n'aurais plus qu'à proposer ma session "Découvrir le TDD en codig-dojo" pour l'année prochaine ? ;-) Au plaisir d'une prochaine rencontre .... Xavier

Laurent Carbonnaux

Merci Olivier pour ces préconisations d'orga.
J'aime vraiment l'idée de 2 jours, où l'on a le temps de créer le réseau, entrer dans le détail. Où l'on aurait le temps d'expérimenter, d'avoir plus de fraîcheur venant de l’extérieur (budget frais plutôt que salles).
Je n'aurai le temps de te piquer que quelques idées pour Clermont!

Laurent Carbonnaux 16 novembre 2013 - 15:20

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